Avant-propos : cet article a été réalisé dans le cadre du Challenge Data #6, une semaine de défi autour de la donnée, organisée par Datactivist pour les 4e années de Sciences Po St Germain en Laye en décembre 2023. Celui-ci a été réalisé en 5 jours (ce qui peut expliquer, dans certains cas, le manque de réponse de la part de certains acteurs mentionnés dans l’article). Pour en savoir plus sur la méthodologie mise à disposition des étudiants, vous pouvez y accéder via ce lien.
En octobre 2022, le gouvernement a publié son premier plan de sobriété. Compiègne et les autres collectivités ont rapidement fait de même. La sous-préfecture de l’Oise avait notamment prévu de réduire de 7% la consommation d’énergie dans les équipements municipaux en 2023. Toutefois, la vétusté de certains des bâtiments publics en font de vraies passoires énergétiques. Nous avons donc souhaité vérifier la cohérence entre l’estimation de consommation faite par les DPE (diagnostic de performance énergétique) et la consommation réelle des bâtiments communaux.
Créé en 2006 et réformé par le décret du 11 janvier 2021, le DPE évalue la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment, en lui attribuant une étiquette allant de A à G. La méthode de calcul, depuis la réforme de juillet 2021, comprend deux mesures: la consommation d’énergie du local (exprimée en kWh/m2/an), et l’émission de gaz à effet de serre (en kg CO2/m2/an).
Dans cet article, nous nous sommes concentrés uniquement sur l’estimation de la consommation d’énergie, en présupposant, sans pouvoir le vérifier, que les émissions de gaz à effets de serre étaient correctement calculées.
Il est important de préciser que notre étude porte sur l’ensemble des bâtiments publics localisés à Compiègne. Nous travaillerons donc sans distinction sur des locaux municipaux, départementaux, régionaux ou nationaux.
Enfin, notons que le DPE était à l’origine calculé de deux façons. La première méthode dite « évaluation réelle » ou « sur facture », prenait en compte les factures énergétiques de trois années consécutives, puis divisait la consommation par le nombre de mètres carrés avant de rendre son étiquette. La seconde méthode, aussi appelée « méthode conventionnelle » ou « DPE 3CL », prend en compte les principales caractéristiques du bâtiment. De l’isolation aux systèmes de chauffage, en passant par les matériaux de construction et au vitrage, chaque aspect est considéré dans l’algorithme, qui calculera alors la consommation d’énergie et l’étiquette DPE du bâtiment. L’arrêté du 8 octobre 2021 supprime la méthode sur facture, et le DPE 3CL devient le seul calcul autorisé.
Les diagnostiqueurs sont quant à eux des entreprises privées, définis par l’arrêt de 2021. Ils s’appuient sur leur expertise visuelle, afin de déterminer les principales caractéristiques du bâtiment évalué. Par conséquent, le diagnostic posé peut supposément différer selon l’entreprise qui le réalisera. C’est pourquoi, en nous concentrant sur la ville de Compiègne, nous avons décidé d’observer les écarts qui pouvaient exister entre les DPE des bâtiments et leur consommation effective en énergie.
Bâtiments publics mal isolés, consommation multipliée
Compiègne, ville du département de l’Oise, est caractérisée par de nombreuses pertes thermiques, qui sont souvent la conséquence d’une isolation insuffisante. Ces pertes sont l’un des principaux leviers de la sobriété énergétique. L’empreinte carbone de l’Agglomération régionale de Compiègne (ARC) est nettement plus élevée que la moyenne nationale : 8,1 tonnes d'équivalent CO2 par habitant et par an, selon l’Université des technologies de Compiègne, alors que la moyenne française était de 5,5 tonnes en 2010 et que l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement pour 2050 est de 2 tonnes équivalent CO2 par habitant et par an. Le tiers des émissions de gaz à effet de serre provient des secteurs du logement et du tertiaire.
Ce graphique nous montre que lorsque l’on étudie les DPE des bâtiments administratifs et d’éducation réalisés après 2021 sur la commune de Compiègne, les catégories C, D, E sont celles les plus recensées. Autrement dit, la majorité des bâtiments administratifs et d’éducation à Compiègne semblent être énergivores. En effet, être classé dans la catégorie D, par exemple, signifie pour un bâtiment qu’il consomme entre 181 et 250 Kwh/m²/an.
De plus, on constate, qu’il subsiste des DPE vierges (NA). Or, la réforme de 2021 avait été pensée pour lutter contre ces derniers en les interdisant et en obligeant le recours à la méthode 3CL, bien moins avantageuse pour les bâtiments anciens.
L’utilisation de méthode de calcul obsolète
Lors de la réforme de 2021, l’existence de DPE vierges a été interdite. Ils étaient jusque là autorisés pour les bâtiments anciens, datant d’avant 1948. En effet, leur méthode de construction, trop disparate en fonction de la région, ainsi que la diversité des matériaux utilisés, rendaient l’évaluation difficile. Pour ce type de logement était donc privilégiée la méthode sur facture. Cependant, l’exception sur les bâtiments pré-1948 prévoyait exclusivement, pour eux, l’existence d’un DPE vierge accompagné de la mention “consommations non exploitables” assorti de conseils. En effet, si un logement était inoccupé depuis longtemps, si le logement était une résidence secondaire, ou si les factures étaient inaccessibles, le DPE était alors irréalisable.
Malheureusement, de nombreux abus ont étés constatés. Les propriétaires, conscients qu’un mauvais DPE rendrait leur bien immobilier inexploitable, ont donc profité de cette faille pour obtenir un DPE vierge. En réaction, le gouvernement a décidé de combler cette lacune lors du décret de 2021.
Précisons que les DPE vierges effectués entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021 resteront valides jusqu’au 31 décembre 2024. Toutefois, l’ensemble des données utilisées dans notre article, et donc dans le graphique précédent, sont des DPE réalisés après juillet 2021, par conséquent après l’entrée en vigueur de la réforme. Néanmoins, comme constaté sur le graphique précédent, la majeure partie des DPE réalisés au sein des bâtiments publics de Compiègne depuis le 1er juillet 2021 ont donnés un résultat vierge, ce qui est censé être interdit depuis l’arrêté.